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Laboratoire Edward D. Wood Jr.

Un espace dédié à diverses recherches...

En 1955, dans "Bride of the monster", le cinéaste Edward D. Wood Junior confiait à Bela Lugosi l'un des derniers rôles de sa carrière, celui d'un  savant "créateur de surhommes atomiques destinés à conquérir le monde".  La maison de ce scientifique dénotait une conception particulière de l'espace ;  manifestement plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur, il fallait monter des escalier pour se trouver en-dessous d'un étang contenant une pieuvre géante.

Le réalisateur a été longtemps connu sous le sobriquet de "pire réalisateur de tous les temps", ce qui est sujet à caution tant le pire n'est jamais certain. Et même si l'on touche le fond, il est toujours loisible de creuser - là tout devient possible si on se réfère à la topographie Woodienne, voisine de celle du maître Escher. En tous cas, pour quelque raison que ce soit il est évident que Wood a créé des espaces inédits, de fécondes distorsions.

On l'aura compris ( ou pas, mais ce n'est pas grave), le but de ce laboratoire sera de réfléchir à ce que le cinéma fait à notre mémoire, à notre sens de l'espace.... car certains films sont des demeures que nos esprits visitent.

On voudra bien pardonner le désordre du laboratoire ; à cause ou en vertu d'un défaut de méthode, on ouvrira ici le ventre de certains films - ou autres objets- qui traîneront ainsi quelque temps, sur les étagères, le temps de méditer ce qu'on y trouve. On manipulera des concepts sans forcément avoir pour cela l'outillage nécessaire. On tentera des hybridations hasardeuses.  On posera des questions non pour y répondre, mais parce qu'elles méritent d'être posées - et ce peut être leur seul mérite.


Laboratoire Edward D Wood Jr: À propos

Le Noir et Blanc, en noir et blanc.


Question de génération, je n'ai longtemps connu qu'une télévision en noir et blanc, qui vaillamment transmettait avec une relative clarté toutes sortes de programmes, dont beaucoup devaient être en couleurs. Le cerveau sait assez bien se débrouiller avec ça, et je suis à peu près certain d'avoir vu les couleurs de films visionnés sur le vénérable Téléavia.
Chose plus troublante encore, quand, peu après la sortie d' "Elephant man " de David Lynch, on put voir un extrait  d'"Eraserhead" (qui sortait sous le titre "Labyrinth man",  absurde et opportuniste) j'eus l'absolue conviction que le film était en noir et blanc. Et quand beaucoup plus tard je découvrai enfin le film, il était absolument conforme à mon souvenir.

DF

Laboratoire Edward D Wood Jr: Texte

 House on Haunted Hill

1958

( titre qui est une façon comme une autre de s'entraîner à la pratique du H haspiré en hanglo-haméricain) est un film de William Castle. Je l'aime bien, William Castle, avec ses façons de bonimenteur bonasse. Avec son HOHH il a fait un film un peu languissant, mais qui possède plusieurs atouts. Je ne parlerai pas de tous, mais  relèverai le générique assez beau, dans lequel on peut admirer une demeure d'inspiration Maya, Ennis House, construite en 1924 par Frank Lloyd Wright. La Maison sur la Colline Hantée du titre, c'est celle-ci, mais seulement à l'extérieur; car à l'intérieur se trouve une autre maison, beaucoup plus banale, qui aurait pu être conçue cinquante ans plus tôt. De mauvaises langues pourraient prétendre qu'avec une grande désinvolture, Castle a tourné les intérieurs dans des décors qui ne présentent aucun rapport avec les quelques plans d'ouverture, tournés sur les hauteurs de Los Angeles, autour de Ennis House... et que le travelling de fin de générique ( vers 6'05"), qui nous fait passer du dehors au dedans, n'est qu'un trucage optique, habile mais trompeur. Mais ce ne sont que de mauvaises langues.
Il faudra bien un jour faire les plans de ces maisons dont la topographie nous hante...

DF

Laboratoire Edward D Wood Jr: Texte

VELIN BLEU

1986


Un palimpseste, c'est un manuscrit sur parchemin, dont on a fait disparaître le texte primitif afin de réutiliser le support, et y inscrire un nouveau. Texte.

Lorsque j'ai vu "Blue Velvet", à sa sortie, il m'était impossible de croire à l'histoire qui m'était proposée dans sa linéarité. Ce que je voyais était trop pour moi, je ne pouvais y croire et mon entendement cherchait une porte de sortie. Je me suis persuadé que le film n'était que la manifestation extérieure d'autre chose, que je ne pouvais qualifier. Même idée d'un autre point de vue ; il me semblait bien pourtant que ce n'était pas intentionnel, que l'auteur n'avait pas voulu cacher un récit par un autre. David Lynch ne chercherait pas à embrouiller le monde, c'est un honnête américain, c'est un peu James Stewart (from Mars, s'empresse d'ajouter Mel Brooks, l'inattendu producteur d'Elephant man.)

Sous certaines conditions de lumière, on peut faire apparaître le texte ancien qu'on croyait disparu.

L'hystérie surtout, de certaines scènes, me dérangeait. Comme un cauchemar extraterrestre déguisé en film d'Elia Kazan. Quelque chose me retenait et ce n'était pas une fascination malsaine, bien que je puisse m'identifier alors à Kyle Mac Lachlan dans un placard - le dispositif est bien celui du voyeur mais il ne s'agit pas (que) de ça. Autre chose. Quoi?

Mais il est également possible que les deux textes, venant de temps différents, se superposent et se complètent, mieux, produisent un troisième qui est plus que la somme des deux, un texte qui en est la résultante harmonique. Ce n'est qu'une supposition. Ce n'est qu'une impression. Mais si elle se renouvelle trop souvent, trop précisément, il faudra bien l'étudier avec le sérieux qui s'impose.

Je voyais d'autres films dont le dispositif était clairement  délibéré ; il était évident que le cinéaste m'emmenait  là où il le voulait - et il m'arrivait de traîner les pieds. Ce n'est qu'une intuition, mais rien de tout cela chez Lynch, qui me semblait porteur d'un récit bien plus profond et authentique. Qu'est-ce qui peut être raconté avec tant de conviction, si le récit affiché n'a que peu d'importance?
 
La musique est un langage non verbal ; les sons sont agencés d'une façon complexe, ils se meuvent selon des règles qui sont celles de l’œuvre même. Il y a bien sûr un contexte extérieur, des règles, des conditions mais si tout se passe bien l'auditeur finira par se persuader que tout ceci n'a fait qu'ensemencer la musique qui se développera d'elle-même, n'attendant que lui pour exister.

David Lynch est musicien , je ne l'ai appris que plus tard. Trompettiste anecdotique, il a trimballé longtemps son obsession du drone, ce son grave et persistant. Il est resté musicien à travers le son de ses films, à travers Angelo Badalamenti, son interprète. La musique, c'est du son mais aussi de la durée et de la profondeur... du cinéma. David Lynch est musicien, oui.



J'ai trouvé (pour l'instant) : Blue Velvet est une chanson.

DF

Laboratoire Edward D Wood Jr: Texte

The Black Sleep

Reginald Le Borg, 1954

Bela Lugosi ouvre une porte, dans un petit film de 1954. Le film est "The black sleep", titre étrange dont Jean-Pierre Putters avait proposé une traduction peu Verlainienne *. La photographie est assez grisâtre, le décor fonctionnel, le mouvement d'appareil, minimal. Mais quand Bela Lugosi ouvre la porte (à 15'40") tout se transcende.Ce pourrait n'être qu'une figure persistante du has been Bela, immense acteur dont l'aura n'aura cessé de décroître dès qu'il mit le pied sur un plateau de cinéma ; on ne sait plus vraiment qui il fut au théâtre. Mais au bout de cette lente déchéance qui aura vu chaque décennie grignoter un peu plus son prestige, il reste  un petit homme qui est grand, et qui dans les muscles de son dos porte tout un art disparu. Art de la présence, de la narration incarnée, et l'intelligence du corps, tout ce qui donne à ce court fragment un poids inattendu.
Je m'avouerai peu familier de ce qu'est un acteur, mais  Bela Lugosi, en ouvrant une porte, m'aura ouvert une vue nouvelle sur ce qu'est cet art. (Dont une composante me touche, tout l'orgueil d'un artiste, dans la modestie d'un emploi. Martin Landau, dans le beau "Ed Wood" de Tim Burton,avait, dans ce jeu troublant de l'acteur qui joue un acteur , soulevé un coin de ce voile-ci.)

* Cf "Ze Craignos Monsters", Editions Vents d'Ouest, 1991, p.16.

DF

Laboratoire Edward D Wood Jr: Texte

EXPERIMENT IN TERROR

Blake Edwardes, 1962

Ceci n'est pas une critique - pas le but de la maison, juste une élucubration (publiée en 2018 sur le blog de Bertrand Tavernier) au sujet d'un film de Blake Edwardes, dont Thierry Jousse, au cours d'une de ses belles émissions sur la musique de film,  avait suggéré qu'il aurait influencé David Lynch...

Finalement vu  cet « Experiment in terror » dont François Guerif dit justement que le projet de Blake Edwardes est explicité par le titre : l’incursion d’un auteur de comédie dans le film noir ( avant de se laisser enfermer dans la comédie, parce qu’il s’y sentait chez lui) , une expérimentation de tout ce que le genre lui permet de faire sur le plan technique. Tel quel le film tient bien la route , avec son parti pris de froideur, mais ce n’est pas ce qui me fait le mentionner ici. Je n’ai pas pris le temps de chercher ce que David Lynch a retenu de ce film , mais je recense quelques éléments un peu « Bon sang , mais c’est bien sûr. » Par ordre d’apparition à l’écran : les basses profondes accompagnent les premières images, dès le logo Columbia, elles seront le signe annonciateur du méchant - il n'était pas si courant, en 1962, de voir ainsi détournée la signature d'un studio . Le panneau «Twin Peaks « , là où vivent Lee Remick et sa jeune soeur Stefanie Powers, où l’action va démarrer sec. On apprendra un peu plus tard que le méchant s’appelle Lynch , Red Lynch. Filmé d’abord de façon morcelée, en très gros plan, dans l’ombre,(et son nom n’apparaît qu’au générique de fin), on le reconnaîtra brusquement : Ross Martin, le célèbre Artemus Gordon des « Mystères de l’Ouest. L’essentiel de son rôle étant au téléphone , on peut parler de « Gordon calling », et là on n’est pas très loin de Gordon Cole , l’agent du FBI joué par David Lynch… (je surinterprète peut-être, presque). « The Gordons », c’est aussi la raison sociale du couple de scénaristes du film, monsieur Gordon Gordon (!) était un ancien du FBI. Bertrand Tavernier souligne d’ailleurs cocassement la vision des Feds dans le film , efficaces, réactifs, presque parfaits.
Bien . Il y a plein de divulgâchis dans ce que je viens d’écrire , surtout pas mal de vues a posteriori , sans doute pas revendiquées par David Lynch. Mais ces rimes, vous le concéderez, sont troublantes, et c’est toujours amusant d’y songer dans le confort du canapé. Et tant mieux si on renverse un peu la chronologie , la causalité , les emprunts ; le vertige temporel qui en résulte fait pour moi partie des plaisirs du cinéma, des arts en général. Beau DVD en tous cas, qui rend justice à la belle photo de Philip Lathrop (le nom ne me disait rien , mais filmographie impressionnante, on y trouve au milieu de titres bien connus un « Portnoy » tourné dès 1972, petit salut à Philip Roth). La musique de Mancini , le souffle inquiétant de Ross Martin sont bien mis en valeur. Belles contributions complémentaires de F.Guerif, P.Brion et de B. Tavernier  qui avoue ne pas avoir aimé le film à sa sortie: trop maniériste. Suit une magnifique et gourmande réévaluation.

DF


Laboratoire Edward D Wood Jr: Texte

Noël 1975

Giscard et  Cloclo sont dans un gala.

Giscard est mort, VGE, Valéry Giscard d'Estaing, le 3ème Président de la Vème République. Tout a, ou sera dit dans la période suivant ce décès, et on passera à autre chose, c'est dans l'ordre des choses.
Mais en regardant une petite archive de l'INA, une scène me frappe: Noël à l'Elysée, Claude François en habit de lumière, VGE en maître-chanteur. Depuis longtemps déjà,  certains  films ont exploité cette situation où deux personnages s'affrontent, l'un détenant l'autre, le surprenant, le manipulant et le malaise s'installe. L'humour bon enfant y est souvent le masque de sombres intentions, il ne faut pas longtemps pour en voir le signe avant-coureur de dérapages plus ou moins contrôlés, et c'est précisément ce flottement qui inquiète le spectateur .
Dans cette scène, ce Noël 1975,  nous avons donc: un lieu clos, la Salle des Fêtes de l'Elysée ; une foule d'enfants hurlant ; le premier personnage de l'Etat Français, aux pouvoirs considérables ; le plus populaire des chanteurs français de l'époque.
Le président se met au piano, et fait chanter le chanteur. Et s'avère être un accompagnateur redoutable - il tronque la mélodie, il fournit des harmonies trompeuses, il a une conception du rythme qui décourage l'excellent batteur de Cloclo. Lequel Cloclo, en grand professionnel, tient bon, mâchoire d'acier, yeux bleu glacier. La mâchoire se serre, les yeux se voilent. Que se passera-t-il si la scène dure? Si le président s'entête, si le chanteur s'impatiente? La pastille de l'INA ne le dit pas, la caméra va bientôt filmer d'autres Noëls, mais hors-champ, où ira cette situation?
L'imagination peut s'enflammer. Ce n'est pas du mauvais esprit, ou plutôt nous n'en sommes pas entièrement responsables ; si cette scène nous est vaguement inquiétante, c'est à cause de certains films qui ont semé de petits cailloux dans notre mémoire de spectateur, des cailloux alarmants.
Sleuth (Joseph Manckiewicz, 1972).  King of comedy (Martin Scorcese, 1982).    Masques (Claude Chabrol, 1987). Misery (Rob Reiner, 1990). Je suis un No Man's Land ( Thierry Jousse, 2010). Gaz de France (Benoît Forgeard, 2015) ... (Liste non limitative de films entrant en résonnance à titres divers... et chacun trouvera les siens.)

https://www.youtube.com/watch?v=VxOhghc9cSg&fbclid=IwAR3zrFIj3Ruy7Jx9ampHPpJx1G5IX1zW529If9qB71uGxSd4fPRmQ2ICKgs

Laboratoire Edward D Wood Jr: Texte

Têtes pivotantes



La tête pivotante du maire de Halloween Town, dans "The nightmare before christmas", est une idée étrange et bienvenue... faute de documentation à ce sujet, j'imagine que c'est une idée d'animateur: l'animation de poupées réclame, pour l'expression des visages, une quantité de têtes différentes, dont le remplacement représente autant de risques pour la fluidité de l'animation. Combien plus confortable serait une tête pivotante... hypothèse séduisante, et qui ne tient pas : à l'intérieur de ces deux humeurs, de ces deux attitudes antinomiques, le maire est très expressif et suppose qu'on remplace son visage deux fois plus souvent. La solution est devenue une contrainte supplémentaire - mais je soupçonne les gens de l'animation de se donner des contraintes, de se jeter des défis, le défi suprême étant de faire croire au spectateur que tout cela s'est fait sans effort : les personnages agissent d'eux-mêmes, et rien d'autre ne sera mis en question, que le sentiment d'étrangeté que génère toujours le stop- motion, l'animation en volume.
Il y a ça, il y a autre chose.
Ce n'est que moi, mais j'en ai vu parfois, souvent , des gens qui changeaient de visage, de voix, d'attitude, suivant les circonstances ou les interlocuteurs. On connaît bien Louis de Funès qui porta cette duplicité à un point aigu, mais il n'est drôle que parce que c'est vrai, un peu plus vrai que la vraie vie. Quand les circonstances nous laissent la possibilité de prendre un peu de recul, il est amusant de les remarquer, ces gens qui sont puissants avec les faibles puis faibles avec les puissants, malins quand ils pensent d'adresser à des demeurés puis beaucoup moins malins... (La politesse réclame, et elle a bien raison, que je ne m'exclue pas du lot : les gens, c'est moi aussi. Mais, voyez vous, je ne me vois pas, je ne sors pas souvent de mon corps. Déjà qu'on se dédouble, s'il faut en plus s'observer...)
Petit exercice : observer un personnage dans ses volte-face. l'exercice est un peu compliqué en ce moment avec nos visages à demi-cachés, et nos interactions rares... mais quand ça se présente, repenser à la tête pivotante du maire de Halloween Town.
https://www.youtube.com/watch?v=DsA0Z5lNrUo

DF

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